Quel expert-comptable n’a jamais été confronté à une demande de valorisation de fonds de commerce de la part d’un client ?
Cette demande fréquente pose un vrai problème aux experts du chiffre tant la réponse basée sur un multiple du chiffre d’affaires est ancré dans les consciences collectives.
Tel Business, c’est 30% du chiffre d’affaires, tel autre, c’est entre 40% et 80%.
Sur quoi se basent ces affirmations ?
Sur des barèmes obscurs présentés dans des ouvrages de référence qui, on se le demande, prennent-ils en compte l’évolution des tendances structurelles ?
Depuis plusieurs années, on assiste en effet à des évolutions structurelles sur certaines activités sans que l’on ait l’impression que les multiples de chiffre d’affaires évoluent.
Quelques exemples d’évolution :
- les consommateurs achètent de plus en plus sur internet, au détriment des achats en magasins,
- les salariés télétravaillent entre 1 à 2 journées par semaine, pénalisant les magasins à proximité des bureaux et davantage encore les restaurateurs, coiffeurs, pour qui, bien souvent, les mercredis et vendredis sont des journées inexistantes,
- les politiques du tout vélo dans les métropoles découragent les habitants des périphéries à se rendre en ville,
Et dans le même temps,
- les loyers augmentent chaque année,
- et les matières premières ont augmenté (électricité, gaz) sans que pour autant les clients se voient répercuter ces hausses,
Un simple indicateur de chiffre d’affaires nous parait discutable pour apprécier toutes les subtilités de ces évolutions.
1- Le chiffre d’affaires est un indicateur de vente.
C’est le niveau 1 de la logique de l’entrepreneur.
Si pas de vente, pas de Business.
Cet indicateur est tout naturellement mis en avant par les primo-entrepreneurs ou startupeur qui se rassurent d’avoir trouvé le filon.
Oui, j’ai des clients qui apprécient mes services, mes produits et qui achètent.
Mais n’oubliez pas que cet indicateur n’est pas suffisant.
Toutes les sociétés qui font faillite font généralement du chiffre d’affaires.
Avoir un chiffre d’affaires en hausse peut également être le révélateur d’un prix mal calibré. Le nombre de clients peut augmenter, sans que la marge suive pour autant.
Valoriser une entreprise par le chiffre d’affaires conduit généralement à des aberrations si la marge d’EBITDA ou d’EBE n’est pas analysée.
2- Le niveau d’EBE ou d’EBITDA : la raison de vivre de l’entreprise
Une entreprise n’existe pas pour le chiffre d’affaires qu’elle réalise mais pour le niveau de marge d’EBITDA quelle dégage.
Le but de l’entreprise est encore aujourd’hui de générer de la marge, ou d’augmenter la valeur pour ses actionnaires.
A quoi bon faire 10 m€ de chiffre d’affaires si la marge d’EBITDA n’est de seulement 100 K€ ?
Pour un évaluateur, le chiffre d’affaires est bien souvent un indicateur du niveau « de tracas » du Dirigeant, pas nécessairement un indicateur de richesse.
Il convient donc d’analyser ce niveau de marge d’EBE ou d’EBITDA en retraitant :
- la rémunération du Dirigeant : quelle rémunération du travail un Dirigeant salarié serait en droit de recevoir ?
- les loyers immobiliers, si le prix est « hors marché »,
- les loyers de crédit-bail,
- l’ensemble des éléments considérés comme exceptionnels.
L’agrégat retraité correspond donc à la marge dégagée par la structure, après une correcte rémunération du travail.
Et c’est cette marge qui doit être valorisée pour valoriser la structure.
Généralement, nous sommes face à des Dirigeants qui mélangent la rémunération du travail et la rémunération de l’actionnaire et qui travaillent abondamment pour des revenus assez faibles.
Dans ces conditions, comment conclure sur une valorisation par le chiffre d’affaires élevée ?
3- Le Niveau 3, le cash-flow d’exploitation
Ce niveau 3 est bien souvent réservé aux financiers ou aux dirigeants avertis. Il intègre, l’IS payé, les investissements de l’année et la variation de BFR.
C’est LE vrai cash-flow de l’entreprise.
Sont généralement pénalisées les entreprises avec des besoins réguliers d’investissements, les sociétés avec des besoins de stocks importants, les sociétés avec des décaissements fournisseurs anticipés (exemple : importations d’Asie).
La valorisation des fonds de commerce
Pour revenir à la valorisation du fonds de commerce, la seule méthode indiscutable est la méthode du multiple d’EBITDA qui permet d’obtenir la Valeur d’Entreprise. Il convient ensuite de retrancher de cette valeur le BFR pour obtenir la valeur du fonds de commerce, composé des actifs corporels (généralement à la VNC à l’exception des actifs immobiliers) et des actifs incorporels.
C’est la seule méthode à même d’intégrer la capacité bénéficiaire de la structure représentant sa capacité à rembourser une dette d’acquisition tout en prenant en compte les handicaps liés à un BFR élevé, des actifs corporels importants ou bien l’évolution d’une activité qui verrait se dégrader ses marges
Le multiple de chiffre d’affaires a le mérite d’être simple toujours, mais faux souvent, notamment dans un contexte économique qui se dégrade.