Beaucoup d’entrepreneurs ne connaissent pas le ROCE (Return on Capital Employed) et pourtant, cette notion est capitale pour développer un Business. Explications.
La plupart des entrepreneurs sont focalisés sur le chiffre d’affaires, les meilleurs d’entre eux sur la marge (EBE ou EBITDA) mais peu se focalisent sur la rentabilité de leurs investissements (ROCE).
L’analyse du ROCE est un élément déterminant dans le choix d’un Business Model, dans la décision de lancer un investissement ou encore dans celle de se positionner sur un nouveau marché.
Définition du ROCE
Le ROCE est un indicateur :
- d’efficacité du capital investi (des investissements réalisés),
- de création de valeur.
Il se calcule ainsi :

Avec :
- le NOPAT (Net Operating Profit after Tax ou résultat d’exploitation après IS), qui mesure la performance opérationnelle de l’entreprise, après IS,
- le capital employé ou l’actif économique en valeur de marché.
Illustrations simplifiées
Ce ratio est essentiel pour comprendre la rentabilité d’un investissement. Son interprétation est illustrée à travers les cinq exemples suivants.
Cinq sociétés réalisent les mêmes performances annuelles :
- CA = 1 m€ ;
- EBIT (résultat d’exploitation) = 15%, soit 150 k€ ;
- NOPAT (résultat d’exploitation après IS) = 11,25%, soit 112,5 k€.
Néanmoins, elles ne mobilisent pas les mêmes actifs pour y parvenir.
- La première est une société de conseil qui emploie des consultants : ses seuls actifs sont des ordinateurs, en leasing,
- La seconde est une société industrielle qui mobilise une ligne de production neuve
(1 500 k€) et du stock (200 k€), - La troisième est une société industrielle qui mobilise une ligne de production ancienne (600 k€) et du stock (200 k€),
- La quatrième est une société de distribution qui mobilise un stock important
(1 000 k€), - La cinquième est une société de distribution qui mobilise un stock faible
(400 k€).
Tous les éléments sont synthétisés dans le tableau suivant :

Le résultat d’exploitation après IS (NOPAT) est identique pour toutes les sociétés. Cependant le ROCE diffère.
La société de Conseil a le meilleur ROCE : elle dégage une marge après IS de 113 k€ en mobilisant très peu d’actifs (80 k€). Le ratio est excellent. Peu d’argent est immobilisé pour produire.
La société Industrielle 2 génère la même performance, mais avec des actifs beaucoup plus importants. Son taux est de 6,3%. Bien qu’elle génère les mêmes marges, cette société crée le moins de valeur au regard des actifs mobilisés pour produire.
La société Industrielle 3 génère la même performance, mais avec un outil de production ancien. Son taux de ROCE est plus élevé, à 12,8%.
- La société industrielle 3, pourtant dotée d’un outil plus ancien, dégage une meilleure performance économique. Une usine neuve n’est pas forcément gage d’une performance économique meilleure. Attention à ne pas surinvestir, ni à se suréquiper. Les équipements neufs se « rentabilisent » dans la durée.
La société de distribution 4 génère la même performance, mais avec un stock plus important que la société 5.
- Avoir beaucoup de stock est un moyen de satisfaire le client, mais financièrement, « cette qualité de choix » a un coût. Si on peut réduire le stock en maintenant les ventes, c’est mieux.
Ces exemples simples démontrent que se concentrer sur la seule performance (chiffre d’affaires et marge) ne suffit pas pour analyser la force d’un Business Model.
Généralement, le « sur-stockage », le « sur-investissement », ou des conditions de paiement défavorables, ont un impact négatif sur le ROCE et donc sur la valeur des titres sachant qu’il y a, bien souvent, des dettes en face de ces actifs.
Exemples concrets rencontrés
Aux cours de nos missions, nous avons rencontré les exemples suivants :
- Comparaison de la performance de deux fruitières de Comté, l’une dans un cœur de village avec un bâtiment très ancien, l’autre établie sur un terrain avec une usine toute récente. Avec un prix du Comté identique, la société 1 présentait un ROCE et donc une valeur plus élevée que la seconde, grevée par la dette du bâtiment.
- Valorisation d’un fonds de commerce de Kite Surf. La boutique 1 dispose d’un stock deux fois moins important que la seconde. La valeur du fonds de commerce de la société 1 était plus élevée que la seconde, où l’essentiel de la valeur résidait dans le coût du stock.
- Prise d’un chantier à plusieurs millions d’euros qui nécessite un approvisionnement en acier en Chine. Cet approvisionnement nécessite des paiements d’avance : 50% à la commande deux mois avant la livraison, le solde à l’arrivée du container. Les clients, eux, règlent à 60 jours. Malgré des marges d’EBITDA semble-t-il confortables, plus la société vendait, plus elle perdait de l’argent.
- Une société d’outillages qui a investi plusieurs millions dans un entrepôt de stockage ultra moderne et automatisé, pour répondre aux besoins la grande distribution. La société est fière de son nouvel outil, bien trop cher comparé à la marge d’EBITDA dégagée…
- Construction d’une nouvelle chaine de production. La chaine tourne en 2×8, contre 3×8 planifiée initialement. Le fonds d’investissement au capital souhaite une sortie avec un TRI d’investisseur standard (12% – 15%). Nous lui démontrons que l’investissement sur la chaine dégage un ROCE (8%) inférieure au WACC et qu’ainsi, il n’a pas permis, à ce stade d’accroitre la valeur de la société.
Le couple ROCE / WACC : boussole de création de valeur
Une entreprise dont la rentabilité économique est inférieure à son coût moyen pondéré du capital détruit de la valeur
- Si ROCE > WACC, l’entreprise crée de la valeur.
- Si ROCE < WACC, elle détruit de la valeur.
Conclusion
A performance égale, et afin d’augmenter le ROCE, et donc la valeur d’une société, il est préférable de favoriser les Business Model qui limitent les actifs corporels, les stocks, les paiements d’avances aux fournisseurs (Chine, …).
Le but est de dégager un maximum de marge en mobilisant le minimum de trésorerie. On est ainsi dans l’efficience, dans l’économie de la ressource.
On entend souvent : « ce n’est pas une dépense, c’est un investissement ». Oui, mais l’investissement est mauvais, il devient une dépense.
Le stock comme les actifs corporels ne sont pas toujours des richesses !
En témoigne, dans nos évaluations, l’écart que l’on constate fréquemment entre les approches patrimoniales et les approches par le rendement : un actif net élevé n’est pas nécessairement synonyme de valeur, pour un acquéreur, s’il ne génère pas une rentabilité suffisante.









